On ne voit bien qu'avec le cœur, l'essentiel est invisible pour les yeux...

J'avais un grand sourire aux lèvres tandis que je survolais le continent. Oui, j'avais cet air béat depuis ma rencontre avec Kenvick au Sanctuaire de la Vie quelques jours plus tôt. Il me manquait déjà, mais je savais que je le reverrais bientôt. Et même s'il n'était pas avec moi, il vivait dans mon coeur. Un jour, on m'a dit que l'absence diminuait les médiocres passions et augmentait les grandes, tout comme le vent éteint les bougies et allume les feux. J'en retiens donc que cette brève absence ne fera que rendre le lien qui nous unis encore plus fort.

Décidément, alors que j'étais censée veiller sur Jensenn, ma protégée, je m'éloignais bien trop souvent d'elle. Oui, je m'en voulais de la laisser seule, mais elle avait finit par me convaincre de la laisser aller seule sur le côté Ouest, pour espionner la Forteresse Noire. Cette idée ne me ravissait pas, et j'étais très inquiète pour elle. Néanmoins, elle était capable de se débrouiller seule, après tout elle n'était pas une Valkyrie pour rien. Et puis à toujours vouloir la sur-protéger, elle aurait des soupçons quand au rôle que je jouais pour elle et Jeny s'éloignerait de moi. Je ne le voulais pas, et il était hors de question qu'elle apprenne que j'étais son Ange Gardien. Après tout, je lui faisais confiance, elle saurait s'en tirer, même si elle avait refusé l'aide de quelques guerriers pour l’escorter. Dans le cas contraire, je m'en rendrais vite compte, étant donné que j'étais liée à elle et que de ce fait chacune de ses blessures serait mienne également.

J'arrivais aux Grottes Bleues, j’apercevais déjà au loin la lueur qu'elles dégageaient. J'y étais déjà venue à plusieurs reprises, et pourtant cet endroit m'intriguais encore, sans doutes à cause de cette couleur surnaturelle. Avec douceur, je me posais sur le sol et repliais mes ailes dans mon dos. J'avais volé trop longtemps et elles étaient un peu douloureuses, je ne m'en étais pas rendu compte plus tôt car le froid dû à l'altitude endorlissait cette douleur.

En faisant à peine quelques pas à l'intérieur, des bruits amplifiés par l'écho qui régnait me parvinrent aux oreilles. En y prêtant attention, j’identifiais ce bruit comme étant des pleurs. Sans attendre, je me dirigeais vers la source pour rencontrer bien vite une Fée pleurant à chaudes larmes. Je m'approchais doucement et me mit à la hauteur de son visage. Avec un doux sourire, et sans regarder ses yeux, j'essuyais les larmes qui roulaient sur ses joues.

Séchez donc ces larmes, jolie Fée. Rien ne vaut la peine de vous mettre en un tel état... dis-je doucement pour la rassurer quand à mes intentions.

Je suis Kallan. Vous savez Calixa, il n'y a aucune honte à pleurer. Les larmes nous permettent parfois d'aller de l'avant en acceptant le passé, pour que notre coeur soit au final aussi éblouissant qu'il ne l'était autrefois. Le plus important, c'est uniquement de prendre garde à ce que ce chagrin ne vous ôte pas votre courage.

J'aurais bien aimé que l'on me dise les mêmes paroles lorsque j'étais triste, enfant, au lieu de me dire que j'étais faible et que pour être reine il me faudrait savoir maîtriser mes émotions. Mais je supposais que si je répétais ce que l'on m'avait rabâché, cela n'aiderais pas Calixa. Je ne connaissais pas la cause de sa peine, et au fond cela importait peu le résultat était le même : elle était malheureuse. J'aimerais tellement lui procurer le réconfort dont elle avait besoin, hélas je n'étais pour elle qu'une inconnue, une inconnue qui n'était pas forcément douée pour l'aider, mais qui faisait de son mieux...

Que pouvais bien faire une Fée toute seule dans cette grotte ? Cela m'intriguait, mais je ne posais pas la question, étant peu désireuse de la mettre mal à l'aise.