Sous la cascade... ( PV Rhoslyn )

Vraiment, cette cascade était le meilleur endroit de Sayeth à ma connaissance. Bien, sûr, certaines régions la surpassaient en beauté ; mais il régnait un calme et une sérénité quasiment impossibles à reproduire ailleurs. Voilà pourquoi j'aimais être là. Après la mort de mon père, j'avais besoin de me ressourcer ici en toute tranquillité, et je devais aussi prendre le temps de réfléchir à ce que j'allais faire. J'étais vraiment complètement noyé intérieurement et il fallait que je démêle mes sentiments et surtout, que je trouve un but précis ; rétablir la Paix sur Sayeth ne suffisait pas ; je devais savoir où aller et non plus errer comme un fantôme. Je m'assis dans l'herbe fraiche et contemplai le ciel. Pas un seul nuage... Et dire que la guerre faisait rage à seulement quelques milles d'ici... Je voulais apporter la Paix mais j'étais en même temps révolté que les dieux aient choisi ce monde comme terrain de guerre. Pourquoi détruire de si beaux lieux ? J'avais passé toute mon enfance dans une forêt hostile aux abords d'un volcan en éruption continuelle alors je ne pouvais pas comprendre comment pouvait-on ne pas défendre de tels endroits. Ces cascades me rappelaient une rivière où j'allais souvent m'abreuver jadis. Je fus submergé par un tourbillon de souvenirs. Je m'en voulais tellement de ne pas avoir été là pour avertir mon père de la mortelle éruption... Décidé à méditer sur tout cela, je me dirigeai vers la cascade. Derrière se trouvais une petite grotte simple mais agréable où l'on pouvait être sûr de ne pas être dérangé. Tandis je je m'avançais dans l'eau, je ressentis dans tout mon être une paix que je n'avais pas connu depuis longtemps. alors que je franchissais le rideau de la cascade, l'eau coula doucement sur mes épaules. C'était une eau si pure qu'elle ne tombait pas violemment sur vos épaules mais elle s'écoulait doucement le long de votre corps même si elle donnait une impression de poids importante. Enfin j'allais pouvoir me reposer... Je m'étendis sur la pierre froide en essayant de ne plus songer à rien. Des cristaux scintillants étaient incrustés dans le plafond naturel. Quand j'étais petit, mon père me disait toujours que ces cristaux avaient le pouvoir de détendre l'esprit. Mais il racontait beaucoup de choses... Peut-être qu'il disait vrai et alors il était venu ici... Comme j'aurais aimé être avec lui en ce moment... Soudain, un être s'approcha de la grotte sans pour autant la voir. Ne pouvais-je donc pas être tranquille un instant ? J'espérais que ce n'étaient pas encore des ennuis, j'avais eu ma dose pour les dix prochaines années à venir...

Epuisée de son rôle de souveraine, Rosy cherchait de la tranquillité. Mais hormis la Forêt Féerique, qui était proche de son palais, elle ne pouvait aller ailleurs pour être tranquille. Il lui fallait donc trouver une excuse pour s’échapper. Elle avait déjà mis les pieds aux Cascades de Saylee étant jeune, mais elle ne s’en souvenait plus exactement. Mais elle savait qu’elles se trouvaient près du Royaume des Elfes. Un sourire se dessina sur son beau visage. Elle avait trouvé la solution.

Enjouée, elle commença à se préparer. Elle n’aimait pas que des serviteurs fassent tout à sa place, alors elle faisait tout elle-même. De cette façon, elle savait faire beaucoup de chose et n’était pas incapable. Elle déboula dans la pièce où étaient les gouverneurs.

-Messieurs, je pars seule pour rencontrer le Roi des Elfes.

Un murmure d’approbation se fit dans la pièce. Les Fées ont toujours été seules et débrouillardes, mais surtout pacifistes. Cette nouvelle contrariait beaucoup les plus vieux, qui ont connus d’autres souverains avec des réformes très différentes. Mais rien ne pouvait faire changer d’avis Rhoslyn, qui était très têtue. De toute façon, ils n’avaient pas leurs mots à dire. Elle était venue ici pour les prévenir, pas pour obtenir leur consentement.

Les Cascades se trouvaient à quelques heures de son palais, par voie aérienne évidemment. Elle se mit donc en route, ne prenant rien sur elle. Rosy comptait partir seulement une journée, ou deux tous au plus. Elle avait un Royaume à diriger, il ne fallait pas le négliger. Une fois dans les airs, elle se laissait porter, les cheveux aux vents. Elle aimait regarder le paysage de cette hauteur, et surtout se sentir libre. Le soleil était pratiquement au zénith quand elle arriva enfin aux Cascades.

Elle espérait que ses précepteurs n’aient pas prévenus le Roi des Elfes de sa venue, car elle n’avait aucune intention de le rencontrer. Elle marchait, pieds nus, au bord de l’eau. Une envie de se baigner la tenaillait, mais elle voulait d’abord profiter du paysage détendant. Elle s’apprêtait à plonger quand elle entendit un bruit. Elle se redressa, inspectant les environs. Même si elle était pacifiste, elle était sur ses gardes. Loin de son peuple, de chez elle, elle ne savait pas à quoi s’attendre. Ne voyant rien, elle se détendit quelque peu. Puis elle capta une énergie dans la Cascade la plus importante. Elle s’envola, et s’arrêta devant. Comment une personne pouvait être ici ? Elle traversa le courant d’eau, et arriva dans une grotte.

Elle trouva l’étranger. C’était un Elfe, à première vue. Un magnifique Elfe… Rosy ne s’était jamais éprise d’un homme, elle ne savait donc pas ce qu’était l’amour. Ce qu’on ressentait dans ces moments-là. Mais elle savait que le physique n’est rien. On tombe amoureux pour le cœur de l’autre, pour ce qu’il y a à l’intérieur et non pas pour l’enveloppe physique. Seulement quelques personnes comprennent ces choses-là. Mais Rosy n’avait jamais eu de chance, ayant été victime de plaisanteries de mauvais goût au sujet de la couleur de sa peau. Quand les gens sont différends, le peuple ne les aime pas. Pourquoi ? Est-ce de la peur ?

Rhoslyn s’approcha de l’Elfe, souriante. Un sourire chaleureux destiné à le mettre en confiance. Il ne fallait pas qu’il la prenne pour une ennemie, alors que ce n’est absolument pas le cas.

-Bonjour, noble étranger. Puis-je savoir votre nom ?
Je suis Rhoslyn Amandil.

Elle omit volontairement de mentionner son titre. Elle voulait savoir comment il se comporterait sans le savoir. Elle en avait assez de trop de respect. Elle voulait juste être normale…

Rhoslyn Amandil ? Cela ne me disait rien... Pourtant, même si je n'était pas expert en la matière, elle portait des vêtements faits d'une étoffe précieuse ! Il était vrai qu'elle ne manquait pas de charme... Je me relevais doucement pour avoir l'air moins stupide. Elle me regardait d'une curieuse façon... Je devais avoir l'esprit dérangé ou quelque chose comme ça. Elle avait une peau magnifique, légèrement bleutée et recouverte au niveau du dos par de délicates ailes, une fée sans doute d'après la description que m'en avait faite mon père. Je ne savais pas si elle avait entouré sa personne d'un sortilège de beauté mais en tout cas elle était vraiment très, très jolie.

- Enchanté de faire votre connaissance, mademoiselle. Je me nomme Talagän Aldinë-Setelvòr. Puis-je savoir quel est le but qui guide vos pas jusqu'à cette cascade ? Non pas que je désire paraître impoli mais il est rare de croiser des gens ici.

Je lui répondit sur le ton le plus poli possible, car elle ne semblait pas animée par de mauvaises intentions... Enfin bon, je gardais tout de même un peu de prudence.

Il se relevait prudemment, comme s’il avait peur d’elle. Pourtant, elle n’avait rien fait de brusque, qui pourrait prêtait confusion. Rosy n’était pas sur la défensive, car elle ne se battait jamais, mais elle se demandait de quel côté était cet homme. De quel côté était Talagän. « C’est un très joli prénom… » Se dit-elle.

-Je n’ai aucun but… Je cherchais juste un endroit où je pourrais me détendre.

Elle inspecta la grotte, curieuse. Elle était assez étroite, sans pour autant être petite. Rosy comprenait parfaitement pourquoi Talagän se réfugiait ici. Dès l’instant où elle avait mis les pieds ici, elle s’était détendue. Comme si il y avait un sortilège ou quelque chose de même genre qui avait ce pouvoir… Rhoslyn retourna sur ses pas, près de lui. Étrangement, la grotte n’était pas humide. Malgré la proximité de l’eau, elle n’en était en aucun cas touchée. De plus, il y régnait une chaleur bienfaisante. Mais Rosy était trempée jusqu’aux os, et rien ne la séchait. Elle frissonna, et se frictionna ses bras. Elle secoua la tête pour enlever le surplus d’eau dans ses cheveux, qui gouttait devant ses yeux. Elle éternua, avec un petit bruit gracieux, et claqua des dents.

Rosy espérait que la couleur de sa peau ne gênerait pas Talagän. Quelque chose en lui la mettait en confiance, il provoquait en elle un sentiment étrange. Et elle ne voulait pas passer à côté de quelque chose juste à cause de ce détail ridicule, qui lui causait tant de peine. Car grâce à son titre, elle ne recevait pas les insultes directement, mais elle entendait les chuchotements malsains. Rosy n’en pouvait plus… Elle était à bout. Après avoir tout perdu dans la vie, après avoir une responsabilité énorme sur ses épaules. C’était suffisant. Plus que suffisant. Rhoslyn est trop jeune pour régner. De plus, elle n’a pas l’intelligence pour. Tout ce qu’elle désire, c’est de faire le bien et guérir. Sauver la vie des gens, sauver le bonheur des gens. Mais elle ne pouvait rien pour son bonheur…

-Sans vouloir être impolie non plus, que faîtes-vous ici ?

D’un naturel curieux, rien ne pouvait l’empêcher d’en savoir toujours plus. Elle n’avait jamais mis les pieds ici, elle ne savait pas les coutumes de tous les peuples. Mais elle voulait savoir…Et elle pouvait. En observant le visage du jeune Elfe, elle devina qu’il savait probablement beaucoup de choses. Elle s’assit sur un petit rocher, de façon à ne pas être trop basse. Il restait suffisamment de place à côté d’elle pour que Talagän puisse s’assoir à ces côtés.

Elle s'assit sur un petit rocher, apparemment décidée à poursuivre la conversation. Je ne pensais vraiment pas que les choses allaient prendre cette tournure... A vrai dire j'étais partagé entre le sentiment d'agacement et de curiosité. Je voulais savoir jusqu'où allait me mener cet échange mais en même temps mon but initial était de trouver ici la paix intérieure et non la discussion.
Je pris l'initiative de poursuivre. Elle voulait savoir ce qui m'amenait ici ? Et bien elle allait effectivement le savoir.

- Je suis ici pour me ressourcer après des événements... difficile. J'aimerais ne pas trop m'attarder là dessus si cela ne vous pose pas de problème. Mais je peux tout de même vous dire ça : si vous avez déjà connu la perte d'un être cher à un moment où vous en aviez vraiment besoin, alors vous pourrez me comprendre. Et puis, aussi, je suis las des combats incessants qui font rage au dehors. Ce lieu est protégé par la magie de Saylee et du sage qui c'est uni à elle, je peux donc profiter du calme, de la sérénité et de la sécurité absolue ici.

Je n'en revenais pas. Je venais de confier mes problèmes à une personne que je ne connaissais que depuis quelques instants. Il y avait de la sorcellerie dans l'air, ou alors c'était elle qui m'ensorcelait... Remet les pieds sur terre, Talagän !

- Puis-je aussi savoir ou vous êtes vous procuré ce diadème ? fis-je en parlant du cercle argenté habilement caché dans ses splendides cheveux. Il est rare de croiser des personnes de sang royal en temps de guerre...

Je n'aurais peu-être pas dû dire ça... sa mine s'assombrit aussitôt. Je devais avoir abordé maladroitement un sujet délicat...

Il y avait dans la voix de Talagän un agacement que Rosy ne comprenait pas. Elle n’avait pourtant rien dit de mal… En même temps, raconter sa vie, si horrible soit-elle, n’est jamais une partie de plaisir. Suite aux paroles de l’Elfe, Rosy eut comme une illumination. Tous ce qu’il disait… C’était son cas. Elle avait perdu des êtres chers, tous ses êtres chers. Et puis elle en avait assez de cette guerre incessante et inutile. Rosy ne croyait pas aux Dieux. Tout le monde défend soit Cala, soit Dehron. Mais personne n’est sûr de leur existence… Tout ce sang versé pour rien, pour que des légendes. Et le dernier point commun avec Talagän, c’était son envie de calme. Tout comme Rosy. Ils étaient semblables… Comme des âmes sœurs.

-Je vous comprends… Je ressens exactement la même chose que vous…

La voix de Rosy assurée, mais remplie de mélancolie, prononça ses paroles en regardant l’Elfe. Rhoslyn était en train d’admirer le beau visage serein de l’Elfe, quand il prononça les paroles qu’il n’aurait pas dû. Elle détestait que l’on parle de son rang, qu’on la juge.

-Je suis la Reine des Fées.

Rosy avait toujours une voix cristalline, mais on pouvait sentir de la dureté. Oui, elle n’avait pas l’étoffe d’une Reine, ce qui pourrait surprendre beaucoup de personnes. Elle se leva, gênée et énervée.

-J’aurais dû enlever mon diadème… pensa-t-elle tout haut.

Quand Rosy s’aperçut qu’elle avait prononcé ces paroles, elle rougit. Enfin non, elle aurait eu une couleur de peau normale, elle aurait eu certainement les joues cramoisies. Mais heureusement pour elle, l’Elfe ne pouvait rien voir.
« Il y a des avantages à avoir la peau bleue… » Pensa-t-elle avec amusement.

-Je ne vais pas vous gêner plus longtemps, comme nous cherchons tous les deux de la tranquillité…

Elle fit mine de partir, mais elle n’en avait pas envie. Certes, elle était assez fâchée, mais elle était attirée par cet homme qui avait un cercle blanc autour de son visage…

Décidément, cette fille était très curieuse. Un moment elle semblait vouloir aimer la terre entière et était aussi aimable que joviale, un autre moment elle prenait une mine affligée et faisait semblant de partir. A ce sujet elle n'était pas très bonne comédienne... La reine des fées ? En d'autres cas j'aurais respecté l'étiquette mais...

- Vous n'avez rien d'une reine, pensais-je tout haut.

Oups, encore un dérapage...

- Enfin, je veux dire que j'ai une image des reines plus... terne et sévère, disons. Vous ne me mettez pas mal à l'aise non plus alors... Je ne vois pas pourquoi je devrais jouer à l'hypocrite ou vous mépriser. je ne suis pas télépathe, mais les Elfes ont une intuition élevée... Restez donc, si ça ne vous dérange pas, nous pouvons continuer à discuter ! Vous êtes la première personne que je croise depuis... La première personne inconnue que je croise en fait. Et vous n'avez pas fini de me parler de vous...

Je ne savais vraiment pas ce qui me déliait la langue de la sorte mais au moins je ne faisais pas semblant et elle devait l'avoir remarqué.

- Vous savez, je ne connais pas bien les fées, c'est pour ça que je veux en apprendre un peu plus sur votre peuple.

Rosy haussa un sourcil suite aux paroles de Talagän. Elle le savait qu’elle n’avait rien d’un Reine, pas la peine de lui rappeler. De l’agacement commençait à naître chez Rosy. Elle savait tout de même diriger son Royaume, et même être terne et sévère quand il le fallait. Un masque d’indifférence s’afficha sur son visage, et prit même un ton sévère. Mais sa voix était toujours si belle à entendre.

-Jeune homme, vous devez un total respect envers un souverain.

Elle l’intimidait maintenant. Elle avait beaucoup d’autorité, et elle savait se faire respectait. Mais elle n’aimait pas abuser de son pouvoir. Alors un sourire magnifique apparut sur son visage, destiné à détendre l’atmosphère.

-Il ne faut pas vous fiez à l’apparence, vous savez. Ce n’est pas parce que je n’ai pas un physique royal que je n’ai pas l’âme d’une Reine.

Dans tous les cas, Elle n’avait pas l’âme d’une Reine. Mais elle avait acquis de l’expérience, à force de régner. Elle savait probablement plus de choses que lui, et était beaucoup moins prétentieuse. Elle se sentait à l’aise avec lui, mais dans ces dernières paroles, quelque chose ne lui avait pas plût. Elle en avait franchement assez des personnes qui jugeaient d’un simple regard, comme ce qu’avait fait l’Elfe. Un petit soupir se fit entendre dans la grotte, qui provenait de la bouche de la Fée.

-Vous voulez que je vous instruise sur mon peuple ? Comprenez d’abord la leçon que je viens de vous faire, et je verrais ensuite.

Rien dans son ton n’était méchant, bien au contraire. Elle s’exprimait doucement, comme s’il elle s’excusait de parler. Elle le regarda dans les yeux, dans ses magnifiques yeux.

Je comprenais parfaitement son besoin de se faire respecter. Mais j'aurais préféré continuer la discussion sur un ton neutre, sans enjeu politique...
Le fait qu'elle use de son autorité royale ne me plaisait pas non plus.

- Navré de vous avoir froissé, mais je ne suis pas un expert niveau protocole. Donc je n'ai pas vraiment appris comment s'adresser à une reine étant donné que j'ai passé 19 dans la solitude, coupé du reste du monde par un volcan en éruption continuelle. Et pardonnez aussi ma franchise, mais j'ai l'habitude de penser tout haut car je ne vivais pas en société il y a seulement un an de cela. Je ne sous-entendais pas dans ma remarque que vous ne pouviez pas être reine, seulement j'ai été surpris, c'est tout. Nous sommes dans une caverne et nous recherchons tout deux le calme et la tranquillité alors pourquoi rajouter courbettes et faux compliments ? J'ai une bonne déduction, pas un oeil expert. Et rien n'empêche une reine d'être jolie, je n'ai jamais dit le contraire. Si vous tenez absolument à ce que je m'en tienne à l'étiquette, parfait !

J'était légèrement énervé. Pour qui se prenait-elle ? Je voulais simplement converser, pas me jeter à plat ventre devant elle car elle était une reine ! Je me fichais de savoir ce qu'elle était, je désirais juste parler. Mon emportement était peu-être exagéré, mais si elle était venue ici pour me faire la morale, je ne voyais vraiment pas l'utilité de rester. Et moi qui croyais bavarder avec une simple fée... Pourquoi était-elle obligée de tenir toujours son rang ? Il n'y avait personne pour la voir ici. Et à moins que je ne faisais erreur, elle était justement là pour échapper à ses devoirs de souveraine. Alors pourquoi persistait-elle à exercer son pouvoir sur moi ?
J'avais envie de partir après ça. Elle disais qu'il ne fallait pas juger à l'oeil ? C'est pourtant ce qu'elle avait fait avec moi en me considérant désormais de haut parce que je ne m'était pas correctement adressé à elle...

Je me levais d'un bon, le coeur sur le bord de l'explosion.

- Excusez-moi, je vais juste prendre un peu l'air, fis-je en masquant le plus possible ma colère.

Je passai le rideau d'eau et je restais debout, en essayant de me calmer. Et dire qu'à la base je voulais juste prendre du temps pour moi... Pas mettre ma patience à l'épreuve. Malgré tout ses efforts pour le rendre amical, je détestais le ton sur lequel elle m'avait parler. "Jeune homme, vous devez un total respect envers un souverain"... Pfffffff... La belle affaire... La magie qui émanait de sa voix n'opérait plus sur moi à présent. Qu'elle garde son protocole pour elle et qu'elle me laisse me reposer ici.

L’agressivité de sa voix blessa Rosy. Elle n’avait rien fait de mal, elle voulait juste lui montrer ce qu’elle pouvait faire. Elle ne voulait surtout pas qu’il prenne ses paroles au sérieux. Elle détestait qu’on se prosterne devant elle, qu’on la complimente, si c’est pour la critiquer dans son dos. Talagän avait pris ses paroles au premier degré… Elle soupira. Elle resta seule dans la grotte quelques instants, pour lui laisser le temps de se calmer, puis sortit à son tour.

-Talagän… Il ne fallait pas s’emporter ainsi. Nous avons tous les deux mal compris nos paroles, et voici ce que cela à donner. Je vous ai parlé sur ce ton uniquement pour que vous compreniez que j’étais capable de me faire respecter, mais il ne fallait pas prendre mes paroles au sens propre.

Elle était derrière lui, pour qu’il se retourne de lui-même. Il ne fallait pas qu’il se sente obligé. S’il ne voulait pas converser avec elle, Rosy comprendrais et partirais. Ces malentendus l’avaient énervée… Elle observa le paysage, mélancolique. Elle détestait les disputes, surtout pour ces raisons. Si elle avait réagis ainsi, c’était comme un moyen de défense. Elle se méfiait de tout le monde, désormais. Elle n’attribuait pas sa confiance à n’importe qui, même à personne. Elle aidait tous ceux qui étaient dans le besoin, gentils ou méchants, mais ça s’arrêtait là.

-Et je n’ai pas ce pouvoir-là. Seules les Sirènes l’ont.

Il savait parfaitement de quoi Rosy voulait parler. S’il croyait qu’elle avait une voix d’enchanteresse, c’était faux. Certes, tout le monde le pensait. Ils étaient charmés par la beauté de sa voix, par sa simplicité. Mais elle n’a pas ce pouvoir. Comment elle l’a su ? Elle ne savait pas lire dans les pensées, mais dans les yeux.

Je me retournais, m'apprêtant à répliquer violemment. Soudain, Je me rendis compte que j'étais à deux millimètre d'elle et que je pouvais sentir son souffle nerveux sur mon visage. En ce moment, j'avais un curieux ressenti... Ses yeux se plongèrent dans les miens et je ne su plus que faire. J'était envahi par un sentiment étrange... Brusquement paniqué, je me reculais lentement. Que c'était-il passé ? Je devais vraiment être devenu fou.

-Je... je suis désolé... je n'aurais pas dû dire ce que j'ai dit... J'ai eu... je ne sais pas... un élan de colère très étrange... Je...

Mon souffle saccadé. Je sentais une grande angoisse monter en moi. Pourquoi ? Cette fille était donc bien en train de m'ensorceler. Pourtant je ne sentais aucune magie dans l'air... Il y avait un problème. Un gros problème.

- Excusez-moi, je... je...

Que m'arrivait-il ? Je perdais complètement le contrôle de moi de moi même... Et son regard qui pesais sur moi... J'étais submergé par... Quelque chose d'étrange... Mes pieds se prirent dans une racine aquatique et me tombais dans le torrent tumultueux. Le courant m'emportais alors que je restais là à me débattre comme un idiot... Soudain, il me vint une idée. Je concentrai toute mon énergie magique et fit partir de mes mains une puissante vague de glace. Aussitôt, la rivière gela et je me retrouvai assis sur la glace, l'air ébahi par ce qui venait de ce produire. Le flot de sentiments étranges s'était tari mais pour combien de temps ? Rhoslyn me fixait d'un air que je n'arrivais pas à décrypter. Alors là la situation devenait tout de même emmêlée...

Il était à présent chamboulé et indécis. Le visage de Talagän était tellement près de celui de Rosy qu’elle pouvait sentir le battement de ses cils sur sa peau. Il recula rapidement, gêné. Mais une grosse racine était juste derrière lui, de sortes qu’il tomba dans le lac. Croyant qu’il se noyait, Rosy sauta à l’eau. Mais elle atterrit sur de la glace, à sa plus grande surprise. Un atterrissage très doux, car elle avait déployé ses ailes. Elle s’approcha de lui en volant, pour ne pas glisser. Elle passa sa main par-dessus son corps, pour vérifier qu’il n’était pas blessé. De la lumière bleutée rassurante émana de ses mains, et répara un de ses os qui était brisé. Un sourire chaleureux sur ses lèvres rassura Talagän.

-Je ne savais pas que les Elfes maîtrisaient la glace… Et qu’ils étaient maladroits !

Elle avait opté pour le ton de la plaisanterie, et lui avait fait un petit clin d’œil complice. Rosy espérait qu’il n’allait pas le prendre mal… Elle voulait plaisanter, cela faisait tellement longtemps qu’elle n’avait pas ri. Et elle espérait que Talagän allait l’aider…

-Tu es un hybride, n’est-ce pas ?

Je savais que les Elfes ne maîtrisaient pas les éléments, mais il pouvait y avoir une exception. Alors autant poser la question, pour ne pas attirer de nouveau les foudres de jeune Elfe. Rosy l’aida à se relever, et le regarda dans les yeux. Il était magnifique… Quand elle entendait le son de sa voix, ou bien même quand elle le regardait, son cœur avait des ratés. Une étrange sensation la parcourait.

En voulant s’envoler pour retourner sur la terre ferme, elle glissa et tomba violemment sur les fesses. Elle avait toujours été maladroite. Les Fées sont faîtes pour voler, et non pas pour marcher… Elle se releva en soupirant, et vérifia, en parcourant son corps avec son esprit, qu’elle n’était pas blessée. Une fois qu’elle était sûre qu’elle n’avait rien, elle s’approcha avec précaution de Talagän. Elle hésita, puis le prit dans ses bras, et s’envola. Une fois sur la terre ferme, et le relâcha doucement, comme si elle ne voulait pas le quitter. Puis elle s’écarta en rougissant. Elle sentait ses joues écarlates, mais personne ne pouvait le voir, compte tenu sa peau azurée.

-J’aurais dû demander ton avis avant…

Elle se reprit en secouant la tête, comme si elle était déçue d’elle-même.

-Demander votre avis.

- Heu... Merci. J'ai juste eu une vague de... bon en tout cas c'est passé.

Soudain; je fus pris par un rire violent et incontrôlable. A cause du ridicule de la situation mais aussi parce que j'étais tendu depuis l'arrivée de Rhoslyn et que maintenant... Mon esprit était... Comme libéré d'un poids encombrant. En tout cas ça faisait du bien. Je sentais le vent jouer avec mes cheveux ; décidément je ne voulais quitter cet endroit pour rien au monde. Je ne comprenais pas son embarras, mais vu a précédente et ridicule crise de colère, je n'allais pas le lui reprocher. Et puis elle était vraiment gentille...

- Bon, après cet éprouvant moment, qu'est-ce que vous voulez faire ? fis-je en la regardant dans les yeux.

L’éclat de rire soudain de Talagän la surprit. Un rire nerveux. N’aimait-il pas sa compagnie ? Ne se sentait-il pas bien en sa compagnie ? Rosy était troublée. Son changement de comportement si rapide la déconcertait, mais elle le comprenait. Enfin, pas entièrement.

-Bon, après cet éprouvant moment, qu'est-ce que vous voulez faire ?

Rosy n’avait envie de rien. Elle voulait juste rester avec lui. Elle était bien avec lui, et cela ne s’expliquait pas. Suite à sa question, elle s’avança vers lui. Ils étaient vraiment très proches, elle pouvait sentir son souffle sur son visage. Elle ne savait pas quoi faire. Ce paysage était magnifique, elle comprenait pourquoi Saylee s’était tant attachée à cet endroit. C’était juste magique…

-J’aimerais bien me baigner… Si tu enlèves la glace, bien sûr.

Un petit sourire complice s’afficha une fois de plus sur son visage. Elle le tutoyait maintenant, sans faire attention. C’était naturel, elle ne faisait plus attention à ces petits détails, et espérait que Talagän en fasse autant. Rosy ne connaissait pas ce paysage, mais elle aimerait quand même goûter aux bienfaits de cette eau. La légende disait qu’elle avait un effet détendant et qu’elle était toujours à une température assez élevée. Pour ne pas risquer de se blesser sur la glace, elle se concentra et se clona. Son clone était au milieu du lac gelé, et sautait dessus pour essayer de briser la glace. La « vraie » Rhoslyn était toujours à côté de Talagän, et observait la scène avec amusement. Mais si elle continuait ainsi, elle n’aurait bientôt plus d’énergie. Son clone disparut d’un seul mouvement de tête de Rosy.

Rosy ne savait toujours pas quelles étaient les origines de l’Elfe. Certes, cela ne changerait pas grand-chose, mais elle avait posé des questions qui étaient restées sans réponse. Avait-il honte de ses origines ? Ou il ne voulait pas se confier à elle ? Dans tous les cas, elle était quelque peu vexée mais elle n’en montrait rien. De toute façon, rien ne pourrait la dissuader de rester avec lui. Ces instants précieux passés en sa compagnie, elle ne les oublierait jamais. Un curieux sentiment naissait en elle, et elle ne savait pas de quoi il s’agissait. Mais elle était persuadée que c’était quelque chose de positif… Cet homme était bon, il avait un grand cœur. Tout comme elle. Le destin a fait qu’ils s’étaient rencontrés, et rien n’arrive par hasard…

Elle voulais que je fasse fondre la glace ? Je n'avais jamais pensé à détruire ce que j'avais fait... Ma glace était spéciale et aucune attaque magique ne pouvais l'atteindre, il allait donc falloir que je la brise avec un moyen naturel... à moins que... Peu-être que ça pourrait marcher... Je concentrai tout mon esprit sur cette rivière gelée. Puis je pris ma dague et la plantai violemment dans la couche glacée. Ça n'allait pas suffire à la briser mais je voulais essayer autre chose. La glace n'était pas censée obéir à la magie mais peu-être qu'a celle de son créateur... J'utilisais donc ma dague pour canaliser mon énergie, un peu comme les mages avec leurs sceptres. Puis j'intimai intérieurement à la glace de disparaître.

C'est alors que, très lentement, l'extrémité de la rivière qui débouchait sur la petite caverne se mit à étinceler. Toute l'eau gelée se mit à luire d'un éclat aveuglant. Et, dans un gracieux et splendide mouvement, la glace perdit du terrain, rapetissant doucement et se rapprochant de la dague. Quelques minutes plus tard, toute la rivière coulait à nouveau. La dégeler m'avais pris une quantité d'énergie que je n'aurais pas soupçonné.

Je me tournai vers Rhoslyn et lui dis gentiment :

- Voilà, vous pouvez vous baigner à présent.

Quant à moi, je me dirigeai vers la grotte pour aller prendre un peu de repos car j'étais épuisé par ce que je venais de faire. Mais finalement, la tentation de me rafraîchir fut la plus forte. Mes vêtements étaient étanches et ne subissaient pas de déformation sous l'eau. Je rentrais petit à petit dans la rivière en regardant l'expression étonnée de Rhoslyn qui ne comprenais pas pourquoi mes habits ne se mouillaient pas...

- Voilà, vous pouvez vous baigner à présent.

Il avait fait fondre la glace, et Rosy sentait bien qu’il avait perdu beaucoup d’énergie. Quand il rentra dans l’eau ses vêtements ne se mouillèrent pas. Etonnée, Rosy le suivit, pour voir si l’eau faisait le même effet sur ses habits. Mais les vêtements de Rosy furent trempés. Cela ne la gênait pas, l’eau était chaude.
Comme Talagän semblait épuisé, Rosy s’approcha de lui et posa ses mains sur ses temps. Elle lui transmit une partie de son énergie, grâce à son don de guérisseuse. Il pourra profiter de l’eau pleinement.
Elle lui sourit et essaya de nager. Elle paniqua, bût la tasse. Elle crut qu’elle allait se noyer, battit des bras. Elle toussa, et lança un regard de détresse à Talagän. Elle ne savait pas nager, elle n’avait jamais essayé. Cependant, grâce à ses ailes, elle réussit à garder la tête hors de l’eau. Elle recracha toute l’eau avalée.

-Désolée, je ne sais pas nager…

Elle omit volontairement de dire qu’elle avait une peur de nager, et qu’elle avait un peu peur de l’eau. Il n’y en avait pas dans son Royaume, et dans cette eau, elle ne savait pas ce qu’il y avait au fond. Elle avait peur… Elle but une nouvelle fois la tasse, et pour ne pas sombrer sous l’eau, elle se retint au bras de Talagän. Elle n’était pas très bien dans l’eau, malgré la température très agréable, et la clarté de l’eau turquoise. Elle se réfugia dans ses bras, comme s’il était une bouée. Il ne bougea pas, alors elle y resta, quelque peu gênée tout de même. Elle le regarda, le regard admiratif.

Alors là je ne pouvais pas le croire... Elle voulait se baigner sans savoir nager ? Cette fée était vraiment amusante... Me retenant de rire, je la décrochais doucement de moi et je modulai à la surface de l'eau un espace glacé où elle pourrait flotter sans risque. Elle sembla se détendre un peu. Je pris mon inspiration et plongeai. L'eau était effectivement chaude. C'était merveilleux... enfin presque. Pourquoi ? Je ne le savais pas. Je n'arrivais jamais à me détendre entièrement sous l'eau... Soudain, la plate-forme de glace sur laquelle flottait Rhoslyn heurta ma tête. Je sentis le sang couler. J'étais vraiment doué pour me créer ce genre de problème. J'allais sortir pour reprendre de l'air quand une algue s'accrocha à mon pied. Ah, non ! Pas mourir aussi bêtement !

Talagän fit apparaitre un petit bloc de glace qui me servait de bouée. Un geste très gentil de sa part, qui fut remercié par un sourire chaleureux. Mais quand il nageait, il se prit le mini iceberg sur la tempe. Le sang colora rapidement l’eau turquoise. Rosy s’approcha de lui, le prit dans ses bras et s’envola. Une fois sur le terre ferme, et le déposait doucement. Elle plaça ses mains sur ses tempes, d’où provenait le sang, et de la lumière bleutée s’échappa de ses mains pour la deuxième de la journée. La plaie s’était refermée, le sang ne coulait plus. Elle essuya le sang séché d’une manière maternelle. Elle le regardait avec un air mélancolique. Il avait l’air si serein endormi ainsi… Enfin, il n’était pas endormi mais inconscient. Rosy se reprit rapidement, mais avant de le réveiller grâce à ses pouvoirs, elle déposa un baiser sur son front. Elle n’osa pas l’embrasser autre part, le connaissant depuis peu. Quand Talagän rouvrit les yeux, Rosy souris. Elle lui passa à nouveau une partie de son énergie pour ne pas qu’il sombre à nouveau dans l’inconscience.

-Tu te sens bien ? Si tu veux je peux encore de passer de l’énergie…

Mais à force d’en donner, Rosy se fatiguait. Quelques secondes plus tard, elle tomba dans ses bras, inconsciente. Elle lui avait passé presque toute son énergie, et il fallait qu’elle se repose. Mais elle arrivait à reprendre toute son énergie en quelques minutes, mais pour cela il ne fallait surtout pas qu’il la touche. Quand Talagän la lâcha enfin, un cocon de lumière bleue l’entoura. Au bout de quelques minutes, elle s’éteignit, et Rosy se réveilla, pleine d’énergie nouvelle.

Pendant mon demi-sommeil dans lequel elle me croyais inconscient, Rosy m'embrassa sur le front. Elle était très gentille, charmante et tout ça mais je n'aimais pas précipiter les choses... Et je n'étais pas sûr de mes sentiments pour elle, après tout je venais à peine de la rencontrer... Elle me plaisait, là n'était pas le problème, mais je n'avais pas envie de me lancer dans une entreprise sans savoir où elle allait me mener...

Quelques minutes plus tard, quand elle s'évanouit après m'avoir transféré une grande quantité d'énergie, je m'interrogeais sur le pour et sur le contre de ce choix sentimental. Quelques mois plus tôt, cela m'aurait semblé totalement ridicule de m'investir dans une relation alors que je ne savais presque rien de cette femme. Il était impératif que j'en apprenne plus sur elle avant de prendre ma décision définitive. Et puis je n'avais sans doute pas un caractère approprié pour ce genre de situation ; étant donné que j'avais passé toute ma vie jusqu'à mes vingt ans aux abords d'un volcan coupé du monde, j'avais un tempérament assez rebelle. Son statut, quant à lui, ne s'interposais en aucune manière dans mon jugement, car du moment qu'elle ne me forçais pas à gouverner, je ne voyais aucune objection.

Finalement, je me dis que les coups de foudres devaient exister et qu'il n'y avait personne pour me contredire de toute façon sur le sujet de cette rapide affection. Et puis j'avais besoin de quelqu'un à qui faire confiance, une nouvelle famille sur qui compter, car depuis la mort subite de mon seul parent, j'étais perdu au niveau relationnel familial. Peu-être avais-je des lointains cousins quelque part, loin dans la forêt féérique ou cachés dans de hauts repères de dragons... Ils refuseraient de me reconnaître comme ayant un lien de parenté avec eux de toute façon. Vu la manière dont ils avaient exclu mes parents sans aucune pitié juste parce que leur union était... différente.

Soudain, je sentis un regard peser sur moi. Rosy. Et vu la façon dont elle m'observais, elle était sans doute éveillée depuis assez longtemps pour avoir "deviné sur mon visage" comme elle savait si bien le faire. Je souris. Oui je voulais définitivement rester avec elle. De toute manière elle aurait bien fini par le découvrir... Je me tournais vers elle et lui fit un magnifique sourire.

- Je ne peux vraiment rien te cacher... Mais peu-être est-ce mieux ainsi... Au moins vous avez la totalité de mon avis...

Puis j'attendis sa réaction, appréhendant un éventuel refus.

Il avait l’air en pleine réflexion, et quand Rosy se réveilla, il ne s’en rendit pas compte tout de suite.

-Je ne peux vraiment rien te cacher... Mais peut-être est-ce mieux ainsi... Au moins vous avez la totalité de mon avis...

Rosy fronça légèrement les sourcils, ne comprenant pas ses paroles. Elle le regarda dans les yeux, essayant de comprendre. Etait-ce de l’amour qu’elle lisait dans ses yeux ? L’amour, un sentiment bien étrange qui entraînait beaucoup de souffrance, mais aussi beaucoup de joie et de bonheur, une fois que l’on a trouvé le véritable amour. Mais comment trouver son âme sœur ? Comment être sûr, une fois la personne qu’on aime trouvée, que c’est vraiment son âme sœur ? Personne ne le sait. Et c’est pour cela qu’il y a tant de souffrance dans l’amour. Parce qu’on est jamais sûr. Parce que l’amour est un sentiment que l’on ne peut contrôler. On ne choisit pas qui l’on aime. C’est bien cela le problème. Mais Rosy était-elle sûre que Talagän l’aimait, après si peu de temps ? Oui, elle connaissait le coup de foudre. Elle y croyait. Mais… Avait-il eut le coup de foudre ? Ou était-ce encore un homme qui ne cherchait qu’à faire mal aux femmes en affirmant aimer, alors que c’en ait tout le contraire ? Non, Talagän était un homme bien. Rosy lui faisait confiance, elle ne le croyait pas capable de faire une telle chose. Jouer avec les sentiments des autres est la pire chose à la connaissance de la jeune Fée.

Rosy baissa la tête et joua avec un brin d’herbe, songeuse. Elle pensait à ses grands-parents jadis souverains. Elle ne les avait jamais connus, ils étaient morts avant le mariage de ses propres parents. Ils ne s’aimaient pas, mais il avait vécu un mariage arrangé. Rosy prit alors conscience de la chance qu’elle avait d’avoir des parents qui s’aiment vraiment. Elle avait l’opportunité de se marier avec l’homme qu’elle aime, et non celui choisis par ses parents. Parce que seuls ceux qui connaissent le véritable amour peuvent comprendre. C’était le cas de ses parents. Mais il n’était pas question de mariage en ce moment. Il n’était pas question que de mariage dans la vie…

-Dès que j'ai croisé ton regard, j'ai compris que c'était mon avenir que j'avais devant moi...

Sa voix magnifique, son sourire chaleureux achevèrent de séduire Talagän. Elle ne savait que faire dans ces moments-là. C’était romantique, ou tout ce que l’on veut, mais Rosy n’avait jamais connu cet instant si magique. Elle redoutait les paroles de Talagän. Est-il son âme sœur ? Elle en était persuadée. Mais il n’était peut-être pas de cet avis… Alors, elle attendit sa réponse, le cœur palpitant, les yeux brillants.

Le temps sembla soudain se suspendre. Je n'entendis plus le bruissement des feuilles, plus le vent souffler doucement sur la rivière en formant des vaguelettes qui glissaient lentement à la surface de l'eau pour venir s'échouer sur la rive... Je plongeai mon regard dans celui de Rhoslyn. Quand je vis son sourire magnifique et ses splendides cheveux soulevés par la brise légère, toutes les raisons qui auraient pu me pousser à ne pas m'engager s'évaporèrent d'un coup. Son regard étincelant, sa peau rayonnante sous le reflet du soleil couchant m'ensorcelaient d'une façon que je n'aurais jamais soupçonné. Alors, devant son évident accord, je lui souri.

-Dans ce cas là, je peux en conclure qu'il doit m'être arrivé la même chose...

Puis je me penchait doucement vers elle et l'embrassait.

-Dans ce cas là, je peux en conclure qu'il doit m'être arrivé la même chose...

Il contemplait Rosy, et elle apprécia. Alors qu’elle était elle aussi en train de regarder son beau visage, il se pencha vers elle et l’embrassa tendrement. Rosy se rapprocha, passa ses mains autour de son cou, légèrement maladroite et hésitante. Elle ne savait pas trop quoi faire dans ces moments-là, alors elle se contentât de lui rendre son baiser aussi tendrement que lui. Puis elle se détacha progressivement de lui, le regarda dans les yeux, souriante, puis nicha sa tête dans son épaule, collant son corps contre le sien. Elle se sentait si bien avec lui… Même si elle ne le connaissait presque pas. Mais elle ne pouvait pas rester très longtemps, elle devait assumer son rôle de souveraine.

-Est-ce que tu as une maison ? Ou tu voyages tout le temps ?

Rosy ne voulait pas s’inviter chez lui, ou inversement, c’était bien trop tôt. Il risquait de trouver que tout cela allait vite, et il pourrait se sauver. Mais elle voulait juste savoir où il habitait pour pouvoir venir le voir souvent, parce qu’elle savait qu’elle devait bientôt partir. Ce soir au plus tard. En regardant le soleil, elle remarqua que midi était passé, et que l’après-midi était déjà bien avancée. Et son estomac gargouilla. Elle regarda Talagän, puis se leva. Elle lui prit sa main, et ils marchèrent main dans la main dans l’espoir de trouver des baies, car son estomac aussi gargouillait. Et Rosy était végétarienne, et elle détestait voir les Animaux tués. Elle repéra des baies, en cueillit, et en tendit à Talagän. Elle les mangea. Elle tenait toujours la main de Talagän, et déposa une fois de plus un tendre baiser sur ses lèvres.

Sa question fit soudain entrer un froid glacial en moi. La dure vérité me revint soudainement à l'esprit comme on reçoit une pierre en plein visage. J'avais réussit à l'oublier grâce à Rosy mais maintenant elle était là, cruelle et insistante. Oui, je n'avais pas de toit depuis la mort de mon père. Ou plus précisément depuis la violente éruption qui avait réduit en cendres au moins les trois quarts de ma vie. Je ne pourrais sans doute pas survivre à un autre choc aussi violent. Je laissai tomber les baies que Rhoslyn avait gentiment cueillit pour moi et dus m'asseoir près d'un chêne aux larges branches. Bien sûr, je voulais rester à tout pris avec Rosy mais je ne savais vraiment plus où aller et elle était reine après tout, je ne pourrais sans doute pas être roi n'ayant aucune miette de sang féérique dans mes veines. Là n'était pas le problème, je pourrais supporter d'être séparé d'elle pendant un jour ou deux, voir plusieurs semaines, mais son peuple ne verrait sans doute pas notre amour de la bonne façon... Je me dis que de toute manière cette réaction était égoïste de ma part et que je devais accepter les conditions sans rechigner.

- Hem... non, je voyage toujours depuis... un... accident. Je suis vraiment désolé de ne pas pouvoir t'en dire plus, mais il m'est impossible d'en parler pour l'instant car ce souvenir est encore trop douloureux pour moi.

J'espérai que ma remarque ne l'avais pas blessé...

Hem... non, je voyage toujours depuis... un... accident. Je suis vraiment désolé de ne pas pouvoir t'en dire plus, mais il m'est impossible d'en parler pour l'instant car ce souvenir est encore trop douloureux pour moi.

Un accident ? Ces paroles laissèrent Rosy perplexe. Et totalement troublée. Elle ne savait pas quoi penser, et trop de souvenirs resurgissaient. L'épidémie qui avait décimée uniquement les hommes-Fée, dont son père et ses deux frères. Cabel... C'était comme son fils, en fin de compte. Elle l'avait élevé suite à la mort de sa mère, lors de l’accouchement de Cabel. Et... Toute sa famille était morte sous ses yeux. Elle avait assistée à tant de mort, impuissante. Tout ses êtres chers, envolés pour l'Au-Delà. Nul ne sait ce qui arrive après la mort, mais Rosy ne voulait pas le savoir. Même si elle voulait retrouver sa famille, elle tenait à rester sur terre pour accomplir son destin. Il constituait à quoi, elle l'ignorait encore. Si sa mère aurait vécu plus longtemps, elle lui aurais certainement dit. Parce qu'elle savait. C'est peut-être pour cela que la vie l'a quittée. Comme rien n'arrive sans raison, les Dieux lui ont sûrement ôté la vie pour ne pas qu'elle révèle ce à quoi elle était destinée. Pour ne pas qu'elle soit obnubilée par son destin, pour ne pas changer le cours de l'histoire. Elle devait l'apprendre d'elle-même.
Des larmes commencèrent à couler sur les joues de la belle Rhoslyn. A cause de la couleur azurée de sa peau, on avait l'impression que ses larmes étaient bleues, mais ce n'était q'un reflet.

-Je comprend... parvint-elle à prononcer malgré ses soubresauts et sa voix tremblante
Mais tu peux venir habiter dans mon palais.

Elle savait qu'il n'allait pas accepter. C'était un homme, qui, de toute évidence, aimait voyager. Il n'allait certainement pas rester dans un palais avec un reine qu'il trouvait sûrement capricieuse. Mais elle n'étais pas comme cela, elle voulait rester dans l'anonymat et guérir les gens, faire le Bien. Mais elle ne pouvait pas. Pas tant qu'elle n'aurait pas trouver de successeur. C'est pour cela qu'elle essayait de chercher une éventuelle famille éloignée, car elle ne voulait pas d'enfants, du moins pas maintenant. Mais toute sa famille, proche ou éloignée à été décimée par l'épidémie. Elle ne touchait que les hommes, certes, mais les femmes ont perdu la vie car le virus était en elle, ce qui les rendait plus faible, même s'il n'avait aucun effet direct. Il suffisait d'un petit rhum et elle mourrait.

Elle ne proposa pas de voyager, et de ne pas rester constamment dans le Royaume des Fées, car c'était inutile. C'était évident. Sinon elle ne serait pas là aujourd'hui... Elle s''enfuis toujours, mais elle revient un jour, ou deux maximum après. Bien sûr, elle prévient toujours. Le peuple pourrait la qualifier de mauvaise reine, parce qu'elle n'est pas souvent présente, mais quand elle est assure les conférences ou autre, elle sait écouter le peuple et trancher. Elle pourrait être la meilleure reine des Fées jamais connues, si elle avait la volonté. Et si elle s'en donnait la peine. Ce qui n'était absolument pas le cas.

Rosy regarda Talagän, les yeux embués de larmes, et attendit sa réponse avec un pincement au coeur, de peur de recevoir un refus.

Vivre dans un palais ? Je ne voulais pas lui faire de peine mais je ne croyais pas que c'était vraiment le genre d'endroit rêvé pour vivre ma vie. Ce n'était pas tant que ça la richesse et le luxe qui me repoussaient, mais aussi et surtout le fait d'être traité comme un invité de marque. Je ne supporterais pas que l'on m'apporte mon déjeuner sur un plateau, que l'on s'occupe de tout ce que je peux faire moi-même. De tout ce qui conserve ma liberté. Mais si on me considérait comme un simple ami en visite... Un ami de la reine tout de même. Et c'était encore fichu.

-Ecoute, ta proposition est très bien intentionnée et je te remercie du fond du coeur mais malheureusement je ne suis pas vraiment fait pour la vie de château. Je pourrais peu-être avoir un habitat à la lisière de la forêt féérique...

J'espérais tout de même que je pourrais rester le plus longtemps possible de la souveraineté, mais cela ne pourrais pas durer éternellement. Pas en étant l'amant d'une reine. J'essuyait des larmes d'un revers de la main et lui fit un sourire que je voulais rassurant.