Sous la cascade... ( PV Rhoslyn )

-Ecoute, ta proposition est très bien intentionnée et je te remercie du fond du coeur mais malheureusement je ne suis pas vraiment fait pour la vie de château. Je pourrais peu-être avoir un habitat à la lisière de la forêt féérique...

Rosy baissa la tête, blessée. En posant la question, elle savait d’avance la réponse mais le fait de l’entendre de la bouche de l’homme qu’elle aime provoquait en elle un sentiment de malaise. Bien sûr. Des pensées assez pessimistes s’insinuèrent dans son esprit, brouillant sa bonne humeur. Elle se referma vite sur elle-même. Elle eut même un petit rire nerveux, elle regarda dans le vide puis osa les planter dans les magnifiques yeux de l’Elfe. C’était dangereux. C’était peut-être comme cela qu’il l’avait amadoué. Une fois de plus, elle était déçue de l’humanité. Enfin, il n’était pas à part entière humain mais pour elle c’était du pareil au même. Voilà pourquoi elle aime tant les animaux. Parce ne mentent jamais, ne trahissent jamais, et ne reprennes jamais ce qu’ils ont donnés. Rosy a trouvé de l’amour en eux, de la tendresse et de la sagesse qu’elle n’a pas trouvée chez les êtres humains.

-Je comprends.

Elle ne comprenait pas. Mais il fallait bien conclure. Elle pensait qu’il connaîtrait son caractère un peu mieux que cela. La vie de château chez les Fées n’est pas différente de celle qu’il pourrait avoir dans un habitat à la lisière de la Forêt Féerique. A part le fait qu’il y a beaucoup de Fée. Mais apparemment il n’a rien compris. Elle souffla bruyamment, vraiment déçue, mais une fois encore d’un bruit gracieux étonnant pour ce genre de bruit qui est en général vraiment énervant à entendre. Elle essuya discrètement les larmes qui coulaient encore. Mais elle voyait toujours trouble. Elle déplia ses ailes, s’envola et regarda une dernière fois le visage de l’homme qui avait réussis à conquérir son cœur, et en même temps détruit ce qui restait. Les larmes lui brouillant la vue, elle ne put éviter l’arbre qui se dressait devant elle. Elle s’effondra au sol, tout en poussant un gémissement de douleur. Rosy ne voulait surtout pas qu’il la voie dans cet état, ou qu’il vienne à sa rencontre. Elle rampa jusqu’à un buisson. Elle s’appuya contre l’arbre, à bout de force. Elle espérait qu’il ne la voit pas, qu’elle puisse se soigner pour ensuite repartir. Qu’elle ne le revoie plus jamais. Sa réaction était peut-être un peu précipitée, mais elle avait senti la méchanceté dans sa voix. Et le dégoût aussi.

Je ne m'attendais vraiment pas à cette réaction. Je ne voulais en aucun cas la blesser... Je croyais juste qu'elle avait un palais somptueux et des servantes et des gardes et un gouvernement... Et je n'étais pas prêt, mais je pouvais m'adapter. Pour elle. Elle était complètement dévastée. Il était vrai que je m'était laissé aveugler par de stupides préjugés et... La jeune fille merveilleuse et sensible qu'elle était avait pris ça pour de l'hypocrisie et elle croyait avoir été trompée par un voyou quelconque... Je m'était comporté en imbécile, c'était de ma faute. Ma réponse était blessante et je n'avais pas réfléchit à sa réaction. Mais je ne voulais pas la perdre pour ça... Une larme amère coula sur ma joue. De plus, je pouvais très bien m'adapter à une vie... différente. Mais je ne savais pas très bien m'y prendre dans ce genre de situation. La brouille que j'avait eu avec mon père partait d'une dispute semblable... Un frisson d'horreur me parcourut l'échine. Un jour plus tard, mon père était mort, engloutit par la violente éruption qui avait bouleversé mon existence. Non ! Je ne pourrais pas supporter de perdre une deuxième fois un être cher à cause de ma légèreté. Une habitations à la lisière de la forêt féérique. Je pouvais être vraiment ridicule, des fois. Mais non, j'aurais tout fait pour rester avec Rhoslyn. Ma réplique cinglante n'était due qu'à ma peur de l'inconnu.

Soudain, Rhoslyn heurta violemment un arbre. Je me précipitait à son secours mais je voyais bien que je la dégoûtait. Alors, tout doucement, je posais mes mains sur ses épaules avec douceur et je lui dit :

- Je peux vivre n'importe où tant que je suis à tes cotés.

J'était un peu ridicule mais au moins je disais la vérité. Je n'avais plus peur de sa nature de reine. Je voulais juste rester près d'elle. Alors je déposais un baiser sur ses lèvres et la serrait contre moi. Non, c'était décidé, je ne la quitterais pas un instant.

Son oeil droit commençait à vraiment la faire souffrir. Elle n'arrivait plus à l'ouvrir, et un cocard se formait déjà. Elle avait beau mettre sa main dessus, délicatement pour ne provoquer aucune douleur, ses mains guérisseuses étaient blessées elles-aussi. Pourtant, elle avait appris à faire se guérir elle-même sans ses mains. Avec le cocon réparateur. Étonnamment, elle n'y arrivait pas. Elle n'y arrivait plus. Elle était en pleine concentration pour la énième fois quand Talagän arriva près d'elle et posa ses mains sur les épaules meurtries. Rosy grimaça, et se retint d'hurler de douleur. Elle n'était pourtant pas tombée de si haut... Alors pourquoi tant de souffrance ? Peut-être la douleur émotionnelle...

- Je peux vivre n'importe où tant que je suis à tes cotés.

Elle s'attendait à tout, sauf à cela. En plongeant ses yeux dans ceux de l'Elfe, elle sut qu'il était sincère. Quand ses lèvres touchèrent celles de Rhoslyn, celle-ci ferma les yeux et savoura cet instant précieux. Comment avait-elle pu penser quelque chose d'aussi méchant et stupide de lui ? Lui qui a réussi à conquérir son coeur, à le briser et à le remettre sur pied en l'espace d'une journée seulement ? La vie future promettait d'être bien agitée, si ils choisissent de la vivre ensemble.

-Oh Talagän... Je suis tellement heureuse...

Un sourire se dessina finalement sur son visage, suivi immédiatement par une grimace de douleur. Même un sourire la faisait souffrir. Elle n'arrivait plus de tout à garder son oeil droit ouvert, et bouger ne serait-ce que les cils ou même respirer lui coûtait énormément d'énergie. Mais elle n'arrivait toujours pas à plonger dans une transe réparatrice... Pourtant, elle était arrivée à la conclusion que cela devait être la souffrance émotionnelle qui l'empêchait d'user de ses pouvoirs. Mais maintenant qu'elle était soulagée, convaincue que Talagän et un homme bien et qu'il partage son amour, cela ne devait pas être cette conclusion. Cela ne pouvait pas. Une solution lui vint à l'esprit, mais l'Elfe n'allait certainement pas être d'accord...

-Je suis désolée de te demander cela mais... Tu peux prendre quelque chose de coupant et t'entailler la main s'il te plaît... ?

Elle n'avait pas le temps de lui expliquer pourquoi, ni la force. Son énergie vitale diminuait de plus en plus, et si vite. Elle voulait juste être certaine qu'elle possédait toujours le don de guérir. Elle espérait qu'il comprenne. Elle doutait qu'il comprenne surtout. Sans explication, il n'allait pas faire ce qu'elle lui demandait comme cela. Il n'était pas son domestique sous ses ordres. Elle le savait mais elle n'avait pas le choix. Juste attendre, s'attendant à un refus de sa part.

Son souffle saccadé se faisait de plus en plus rauque, de plus en plus lent. Elle toussa, de plus en plus violemment. Son corps se soulevait dans des soubresauts impressionnants. Ce n'était plus qu'une question de temps à présent.

Un simple heurt provoquait chez Rosy une série de choses que je n'arrivais pas à comprendre. Sans doute étais-ce son organisme fragile de fée qui influençait négativement sa blessure... Enfin, au vu de ce qui c'était produit quand je lui avais fait un refus quelque minutes plus tôt, je n'allais pas chercher à comprendre cette fois. Je ne savais pas où elle voulais en venir avec mon sang mais du moment que ça pouvait l'aider...

Je sortit ma dague et m'entaillais légèrement la main. la douleur afflua, plus vive que je ne l'imaginais. Je me serrais le bras pour faire une sorte de garrot permettant que le sang ne s'écoule pas en trop grande quantité. Mais Rosy était parcourue de spasmes effrayants et elle n'était de toute façon pas en mesure de me le dire.

Alors me vint une idée. Je sortit de ma petite sacoche quelques herbes apaisantes, non pas pour la guérir, mais pour que les convulsions s'arrêtent et qu'elle puisse ainsi m'expliquer ce qu'elle compte faire. Le sang tombait à grosse gouttes sur l'herbe et les plantes curieuses qui poussaient autour de la cascade se mirent à frémir au contact du liquide chaud et rouge. Puis une sorte de tige s'agrippa à ma main, s'enroula autour et pressa ma blessure. Quand elle desserra son emprise, je retirais vivement ma main et m'aperçut que l'entaille avait tout simplement disparu. Ces plantes étaient miraculeuses. Puis je me retournais pour donner mes herbes à Rosy quand je vis qu'elle était empêtrée dans un cocon d'herbes qui s'affairaient à chacune de ses blessures. C'était incroyable, troublant et fascinant à la fois. Ces plantes réagissaient au sang d'une manière qui dépassait l'entendement. Et qui dépassait aussi mes connaissances. Il fallait que je m'en procure. Mais ces plantes agissaient parce qu'elle étaient vivantes, et si je les déracinais, peu-être que leur effet serait stoppé net. Mais un détail attira mon attention. Chaque plante avait à sa base une sorte de bulbe rouge vif contenant un liquide doré. Alors je fis la première chose qui me vint à l'esprit. Je prit un flacon vide dans ma sacoche, prélevait le liquide d'une plante et refermait le tout avec un bouchon de bois.

Je me retournais vers Rosy une deuxième fois. Au fond je n'avais rien fait pour elle, à part éveiller la curiosité de ces plantes. Quand le cocon se dissipa, Rosy n'avait plus une seule blessure sur le corps. Mais comment un tel phénomène avait-t-il pu se produire ? Je ne comprenait pas. La science de la magie avait sans doute réservé quelques surprises aux visiteurs de ce lieu... Voyant que Rosy avait meilleur mine, malgré le fait qu'elle semblait terriblement faible, je me penchait et soufflait à son oreille :

- Est-ce que c'est mieux comme ça ?

Tout était flou, et la douleur était telle que Rosy avait l'impression de ne plus souffrir, comme si elle était morte. Comme la sensation que l'on éprouve quand on se brûle le doigt d'un tel degré qu'on a l'impression qu'il gèle. Enfin, une sensation tellement... inconnue. Elle n'arrivait plus à respirer, et lorsqu'elle réussit à inspirer une dernière fois, l'odeur du sang lui parvint. Ainsi, Talagän l'avait écouté. Mais cela ne servirait à rien, son plan ne pouvait marcher. Déjà, elle sentait son âme partir... Elle vit un Ange entouré d'une bienveillante lumière blanche. Étonnant, car Rosy avait les yeux fermés.

-Suis-je morte ?
-Non Rhoslyn, pas encore. Ton âme soeur est en train de te sauver. Tu devras ensuite aller au Désert pour trouver une plante avant trois jour, sinon...

Rosy revint à elle en inspirant une grande bouffée d'air. Elle n'était pas morte... en regardant autour d'elle, elle aperçut des plantes étranges.

-Est-ce que c'est mieux comme ça ?

En se relevant, elle n'éprouvait plus aucune douleur mais un léger tournis; elle s'était levé trop vite. En observant de plus près les plantes, son visage s'éclaira.

-Des...Des Karountas...

Sa voix était encore tremblante, mais elle allait beaucoup mieux, grâce à l'effet guérisseurs des plantes.

-Elles soignent... Enfin tu as dû le comprendre. Elles se manifestent au contact du sang... Sinon elles sont sous terre, invisible. Elle haussa les épaules Pourquoi, je ne le sait pas.

Les paroles de l'Ange lui revinrent en mémoire. Une plante dans le Désert ?! Et il fallait la récupérer avant trois jours passés sinon... Sinon quoi ? Peut-être une prédiction. Elle ne possède pas ce pouvoir, alors cela doit être une mise en garde. Quelque chose de grave va certainement se passer, et ils auraient besoin de cette fameuse plante que les guérirait. Mais comment la reconnaître ? ils se connaissent pas l'emplacement, et la superficie du Désert est énorme. Et ils ne savent pas à quoi elle ressemble. Et... Aucune plante ne peux pousser dans le Désert, soit à cause de la chaleur et du manque d'eau, soit à cause des retombées magique suite au combat sanglant qu'il y eu il y a longtemps. Rosy connaissait toutes les plantes qui existent, mais elle n'avait jamais entendu parler d'une plante dans le Désert. Étrange... Mais cela valait la peine d'essayer, si un Ange venait de l'au-delà pour lui annoncer cela, même si je suis repartie trop tôt pour entendre la suite. Et même s'ils n'avaient aucune idée de comment l'utiliser.

Rosy leva un regard plein d’incrédulité et d'espoir à Talagän, qui ne comprenait pas. Elle lui expliquerait sur le chemin. Ils n'avaient pas de temps à perdre. Elle lui pris la main, déposa un léger baiser sur ses lèvres et malgré la fatigue, se mirent en route. Un dernier regard à la Cascade, qui l'effet apaisant lui manquerait.